Brésil : enfer vert ou vers l'enfer ?
- Reni Andcam
- 5 avr. 2016
- 11 min de lecture
« Il y a 10 ans, je suis venu pour vous expliquer ma préoccupation devant la destruction de la forêt amazonienne. Je vous avais parlé des feux, du soleil brûlant des grands vents qui souffleraient si l'homme continuait à détruire la forêt.
Vous m'avez soutenu et vous m'avez donné les moyens de démarquer nos terres ancestrales. C'est fait : c'est un territoire immense, plein de gibier, de fleurs et de fruits. C'est la plus belle forêt. Avant tout, à tous ceux qui nous ont donné de l’argent ou de l'aide, je veux dire, au nom de mon peuple Kayapo... merci... nambikwa… meikumbre.
Je suis de retour, aujourd'hui, car ma préoccupation est revenue. J'ai appris que vous aussi, à présent êtes inquiets. Les grands vents sont venus et ont détruit votre forêt. Vous avez connu la peur que nous connaissons.
Je vous le dis, si l'homme continue à détruire la terre, ces vents vont revenir avec encore plus de force... pas une fois... mais plusieurs fois... tôt ou tard. Ces vents vont tous nous détruire.
Nous respirons tous un seul air, nous buvons tous une seule eau, nous vivons tous sur une seule Terre. Nous devons tous la protéger.
Chez nous les invasions ont recommencé. Les bûcherons et les chercheurs d'or ne respectent pas la réserve. Nous n'avons pas les moyens de protéger cette immense forêt dont nous sommes les gardiens pour vous tous.
J'ai besoin de votre appui. Et je vous le demande avant qu'il ne soit trop tard.
Merci. » - le message de RAONI, 2000
L’Amazonie est gravement menacée depuis plus d’un quart de siècle par le progrès économique, grand consommateur de bois et l’extension des surfaces agricoles.
Nous sommes vivants mais nous mourons à petit feu.
Toutes les quatre secondes, l’équivalent d’un terrain de football disparaît en Amazonie …
Soit l’équivalent de 750 stades par jour !
Soit des centaines de kilomètres carrés de forêts anéantis chaque jour.
Soit l’équivalent de 22 500 stades par mois !
Environ 52000 km2 de forêt vierge disparaissent chaque année.
En dix ans, la forêt amazonienne s’est rétrécie de 500.000 km² (soit approximativement la superficie totale de la France).
Au cours des quarante dernières années, 763 000 km² de forêt amazonienne ont été détruits, soit l’équivalent de 184 millions de terrains de football rasés ou deux fois la superficie de l’Allemagne.
Selon une étude publiée dans la revue Science, 42% de la forêt amazonienne pourrait avoir quasiment disparu d’ici 2020. Or, on estime qu’il est vital qu’au moins 60% de l’Amazonie reste intacte si l’on veut espérer que son propre système climatique et hydrologique perdure. Au dessous de ce seuil, ce qu’il restera de la forêt se desséchera et mourra. En conséquence certains chercheurs avertissent qu’en l’absence de mesures immédiates, en ce qui concerne la survie de la forêt amazonienne, le point de non-retour pourrait être atteint d’ici 10 à 20 ans.
En termes de surface, l’Amazonie brésilienne est celle qui est victime de la plus grande déforestation annuelle de la planète.
Pour désenclaver cet espace immense, le gouvernement brésilien, a décidé en 1975, après l’échec de la route transamazonienne, de créer des pôles de développement, et a ainsi distribué des milliers d’hectares aux grands pour deux fois rien.
Ce sont les entreprises multinationales qui tirent tous les bénéfices de ces opérations et les ouvriers trimballés de chantier en chantier ainsi que les indiens chassés de leurs terres qui paient les pots cassés.
En outre, le contrôle n’est pas assez rigoureux. L’organisme brésilien chargé de surveiller l’environnement (IBAMA) manque d’effectifs et de moyens pour exercer son pouvoir de surveillance.
La majeure partie perdue devient des routes, des pâturages pour le bétail, des pôles agropastoraux (élevage intensif), des pôles agrominiers (gisements de fer, de bauxite ou de manganèse, des pôles pétroliers, des pôles bio-industriels et de recherche pharmaceutique ou des plantations de soja et de canne à sucre pour le bioéthanol.
Le déboisement de la jungle au profit des cultures s’effectue aujourd’hui à une allure dévastatrice sous les tropiques. Pratiqué essentiellement par de pauvres paysans, il est aujourd’hui la principale cause de destruction de la forêt au Brésil.
L’on dit souvent que c’est la surpopulation qui est la cause première de ces implantations agricoles dans les forêts vierges du tiers-monde, alors qu’elles s’expliquent bien davantage par la répartition inéquitable des terres cultivables – un très faible pourcentage de la population possède une très forte proportion des terres. L’Amazonie non comprise, le Brésil a actuellement à peu près la même densité de population que les États-Unis. Avec dans bien des cas la collaboration des pouvoirs publics et d’organismes internationaux comme la Banque mondiale, on rachète aux pauvres leurs terres productives ou on les en expulse pour les chasser dans la forêt en leur promettant des terres, mais sans guère d’espoir de prospérité.
Au bout de quelques années, une fois que les pluies tropicales torrentielles ont lessivé la terre de tous ses éléments nutritifs et lui ont ôté toute productivité, les fermiers n’ont plus qu’à raser une autre parcelle de forêt, tandis que leurs terres sont reprises par les éleveurs.
Lorsque les éleveurs ont besoin d’étendre encore leurs terres, ils n’hésitent pas parfois à recourir à la violence pour obliger les paysans à vendre. Une fois que le bétail y est passé, il ne reste plus que poussière. Le système biologique le plus productif de la planète est alors devenu le plus pauvre.
L’exploitation du bois à des fins commerciales est la seconde explication du déboisement de la forêt tropicale. La majeure partie de ce bois est utilisée pour du bois de chauffage ou la production de charbon de bois car l’exploitation est plus rentable en forêt vierge qu’elle ne l’est dans une forêt de type secondaire.
Les matériaux de construction constituent un autre débouché du bois amazonien sur les marchés industrialisés. Ainsi, le Japon à lui seul importe environ la moitié de la production annuelle de bois tropical. L’Europe de l’Ouest arrive en seconde position. Les États-Unis à eux seuls consomment chaque année l’équivalent de 2 milliards de dollars de produits dérivés du bois tropical. L’industrie papetière a également énormément accru ses besoins en bois depuis quarante ans.
Pratiquée correctement, l’exploitation forestière en zone tropicale pourrait être viable pour l’environnement. Mais les recommandations gouvernementales – quand elles existent – sont rarement prises au sérieux. L’abattage des arbres n’est nullement contrôlé. Ainsi, un arbre sur vingt est réellement exploitable pour la production forestière mais, pour un arbre utile, douze sont détruits inutilement au cours de l’exploitation. Ensuite, un tiers des arbres est coupé pour dégager des routes ou des sentiers pour l’exploitation. Enfin, l’exploitation forestière dégageant d’immenses terres vierges, elle draine dans son sillage des familles de fermiers qui font valoir des droits de propriété sur toutes les terres non occupées légalement.
Le soja
Cultivé pour ses graines riches en protéines et bon marché, le soja est le principal fourrage du bétail européen. Cependant, sa monoculture dévaste la forêt amazonienne, ses engrais et pesticides polluent les sols et les eaux et détruisent de nombreuses espèces.
Si les terres indigènes ne sont pas délimitées, les cultivateurs de soja tentent de se les approprier illégalement. Les géants agroalimentaires amadouent le cultivateur en lui offrant tout ce dont il a besoin – crédits bon marché, semences, pesticides – et lui garantissent l’achat de sa production.
Après les États-Unis, le Brésil est le deuxième producteur mondial de soja. En 2004-2005, 1,2 million d’hectares de soja ont été cultivés en Amazonie. 80 % de la récolte est destinée au bétail.
Les pressions sur les terres générées par les agrocarburants et en particulier, l' éthanol-maïs en Amérique du nord ont une incidence directe. En gros : plus de maïs en Amérique du nord pour l'éthanol = moins de soya aux États-Unis = plus d'importation de soya du Brésil = plus de déforestation au Brésil.
La ruée vers l’or
Dans les années 1970 et 1980, près d’un millier de chercheurs d’or ont envahi le territoire des Indiens d’Amazonie. Ils ont fait du Brésil le cinquième plus grand producteur du monde. Cette ruée vers l’or qui débute massivement dans les années 1980 continue de s’accélérer, entretenue par la récession et le chômage. 20 % des Yanomamis ont été décimés en l’espace de sept ans, pour avoir souffert de l’invasion de leurs terres par les chercheurs d’or, qui détruisaient leurs villages et les exposaient à des maladies contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés. À la fin des années 1980, cette ruée vers l’or impliquait près de 5 millions de personnes.
Le Venezuela, la Guyane, la Bolivie et la Colombie sont désormais atteints de cette nouvelle « fièvre jaune ». Bien que les lois l’interdisent, le mercure est utilisé pour filtrer l’or de la boue des rivières. Il vient empoisonner les communautés qui vivent en aval.
Les autres minerais
En Amazonie, on trouve de l’étain, du cuivre, du nickel, du manganèse, de la bauxite, des minerais d’or et d’argent. L’exploitation minière génère un déséquilibre écologique et social. « Le Brésil dispose ainsi des plus importantes réserves de minerai de fer du monde.
Malheureusement, elles se trouvent dans l’est du bassin amazonien et l’alimentation des hauts fourneaux nécessite du charbon de bois. Selon la loi, ce charbon ne peut provenir que des terres reboisées, mais cette loi n’est pas toujours appliquée, et une partie de ce charbon provient en fait du bois de forêt vierge. »
En parallèle, les gouvernements encouragent les projets d’extraction pour promouvoir le développement du pays. Les technologies commencent à s’améliorer et, à terme, elles permettront d’augmenter l’exploitation minière. Cependant l’exploitation minière est très polluante : elle affecte le drainage, pollue l’eau provenant de la mine, menace les communautés locales et modifie la qualité de la nourriture.
La culture de la coca
La culture de la coca vient aussi menacer la forêt vierge. Les feuilles de coca sont utilisées dans la production de cocaïne.
Selon un rapport du département d’État américain, la culture de la coca et les activités qui en découlent ont déjà causé au Pérou la destruction de plus d’un million d’hectares de forêt vierge, soit le dixième du déboisement enregistré dans le pays depuis le début du siècle.
La coca a toujours été récoltée par les Indiens des hauts plateaux andins. Ils en mâchent les feuilles pour vaincre la faim ou la douleur. Aujourd’hui pourtant, la coca est devenue une affaire d’argent. À mesure que l’usage de la cocaïne se répand et que les profits à tirer de ce trafic montent en flèche, les paysans rasent des étendues de forêt vierge pour y planter de la coca.
Les gouvernements sud-américains, avec le soutien financier des États-Unis, cherchent à lutter contre ces cultures avec des désherbants. Dans tous les cas, c’est la forêt qui est détruite. C’est en Europe et aux États-Unis que l’on trouve la majorité des consommateurs de cocaïne. Seule une baisse de cette consommation pourrait décourager la culture de la coca.
Phénomène du front pionnier
Une des causes de déforestation est liée au phénomène du front pionnier, c’est-à-dire l’extension des Brésiliens à l’intérieur de leur propre pays. Les gouvernements brésiliens vont régulièrement favoriser le développement économique de l’Amazonie et son intégration au reste du pays. Or cette politique d’aménagement de l’Amazonie passe avant tout par les routes. Elles sont le moteur du front pionnier. Et la percée de la Transamazonienne, c’est-à-dire de la côte Atlantique à la frontière avec le Pérou, a ouvert l’Amazonie à la colonisation des terres. A partir des années 70, l’idée pour les dirigeants brésiliens était d’utiliser cet espace libre pour résoudre la question agraire, c’est-à-dire aller chercher dans le Nord-Est surpeuplé la main d’œuvre pauvre pour l’importer en Amazonie. Ainsi des zones de forêt sont dégagées pour laisser place a des zones de pâturages, des zones agricoles contrôlées, soit par des colons soit par des petits exploitants, ou soit par de grands propriétaires terriens attirés par les incitations fiscales de l’État brésilien. Également, les paysans pratiquent la culture sur brûlis qui pour accroître la fertilité de la terre, provoque régulièrement des feux de forêts et aggrave ainsi l’ampleur de la déforestation et contribue peut-être sans le savoir au réchauffement climatique.
Urbanisation
Une dernière cause est l’urbanisation. Lorsqu'on regarde des photos satellites récentes de l’Amazonie, on peut constater un développement important de l’urbanisation dans cette région. Hormis les grandes villes de Belém et de Manaus on voit que la population se concentre surtout sur la rive gauche de l’Amazone et avant tout dans les villes. En fait, ces photographies indiquent bien que c’est l’urbanisation qui forme le front avancé du déboisement. 95% des lieux d’extraction du bois et des terres défrichées se concentrent dans un rayon de 25 Kilomètres autour de ces villes et villages et non pas dans les régions reculées et inaccessibles de l’Amazonie comme on peut le penser. Au total, entre 1960 et 2001 la population en Amazonie est passée de cinq millions à vingt millions de personnes. En effet, il s'agit de constructions tels que les bâtiments, les exploitations agricoles intensives et les routes qui provoquent cette urbanisation. Ces constructions provoquent un afflux de population, colonisant petit à petit la forêt. Les construction des routes provoquent à moyen terme une exploitation de la forêt tout le long de ces infrastructures routières. Ce défrichement de végétation est considéré comme du saccage, mais aussi une exploitation généralement à vocation locale. Ce type de pratiques (non autorisées) ne conduit pas à l'exploitation durable des espèces, il n'y a donc aucune politique de gestion de ces espaces. L'exploitation de ces ressources est problématique. A la différence de la gestion dite "traditionnelle" effectuée par les Indiens ( qui est inoffensive ), la conception productiviste moderne se révèle incapable d'utiliser ces ressources à long terme. Non seulement leur programme de développement sauvage entraine des conséquences néfastes immédiates et irrémédiables, comme la disparition des espèces ou la diffusion de maladies, mais ne peut assurer de bénéfices économiques durables.
Les conséquences de la déforestation
En Amazonie, on peut constater un déséquilibre tant au niveau végétal, animal que climatique.
Les espèces végétales disparaissent lors de déforestations. Cela pose un réel problème pour la biodiversité végétale car les espèces ne se reproduisent plus. Elles ne peuvent s’accommoder à de nouveaux espaces où elles disparaissent au profit de cultures artificielles.
Depuis quelques années, les conditions climatiques de la forêt vierge amazonienne se modifient : un phénomène de sécheresse a été observé au-dessus de la forêt et les précipitations sont plus violentes qu’avant. Les conséquences climatiques dues à la déforestation ne peuvent encore être établies de manière certaine et scientifique mais on constate tout de même un phénomène réel : la modification de l’écosystème.
En dix ans, il n’y a jamais eu autant de bouleversements climatiques : la fonte des glaciers, le réchauffement de la planète, les inondations, les records de chaleur, les tempêtes …
Ces vagues de chaleur, sécheresses, inondations ou ouragans ne sont qu’un début. L’humanité a toujours eu une formidable capacité d’adaptation. Pourtant, cette capacité d’adaptation sera mise à rude épreuve par le chaos social, économique et politique qu’engendreront ces changements climatiques, les plus rapides et les plus dramatiques de toute l’histoire de l’humanité.
Le taux de dévastation de la forêt amazonienne suit une progression géométrique et si aucune mesure n’est prise, il est probable qu’elle aura totalement disparu d’ici trente ans.
La survie des Indiens et la survie de la forêt ne font qu’un. Il y a quelques décennies, il y avait tellement de forêts que les deux n’étaient pas nécessairement liées. Mais aujourd’hui l’une protège l’autre. »
L’Amazonie se meurt. Les forêts vierges du monde entier se meurent. La forêt, mais aussi la richesse de sa vie animale et végétale, ses peuplades indigènes et leurs anciennes cultures, l’espoir de trouver de nouveaux remèdes à nos maladies, et surtout la santé de la planète tout entière.
Nous autres, citoyens d’autres nations, ne sommes pas les témoins neutres et indifférents de ce problème. Nous en partageons la responsabilité, et devons trouver une solution pour sauvegarder la forêt vierge.
Alors que les préoccupations sur l’environnement sont désormais planétaires, la relation que l’on établit entre la destruction par le feu de la forêt vierge et le phénomène général de réchauffement de la planète est d’une extrême gravité. La déforestation est responsable de 75 % des émissions de gaz à effet de serre brésiliennes.
L’effet de serre fonctionne comme une serre de maraîcher : les molécules de gaz carbonique, le CO2 permettent aux rayons de soleil de traverser l’atmosphère, et de venir réchauffer la terre mais la couche d’ozone évite un réchauffement excessif en filtrant les rayons infrarouges. Jusqu’aux débuts de la révolution industrielle, il y a deux cents ans, le niveau de gaz carbonique était régulé de façon naturelle par les plantes et les organismes marins qui transformaient le gaz carbonique en oxygène et en carbone.
Le déboisement dans les tropiques contribue au réchauffement de la planète de deux manières : les forêts tropicales produisent près de la moitié de l’oxygène mondial en absorbant le gaz carbonique de l’air dont elles se nourrissent. C’est pour cette raison qu’on les appelle parfois les “poumons de la planète”. Moins il y a d’arbres et de plantes, moins la terre absorbe de gaz carbonique. En l’absorbant, ils l’empêchent de monter dans l’atmosphère, où il contribue en ne se désintégrant que très lentement au phénomène dit d’effet de serre.
Les forêts jouent un rôle essentiel dans la stabilisation du climat de la planète car elles renferment de grandes quantités de carbone qui contribueraient au réchauffement climatique.
Plus l’on déboise l’Amazonie, plus l’on participe au réchauffement climatique de la planète. D’ici vingt ans, 80 à 120 milliards de tonnes de CO2 seront libérées suite au déboisement de l’Amazonie. Ce qui aura pour conséquence parallèle une augmentation de la température moyenne mondiale d’un à un degré et demi.
Ce réchauffement entraînera l’élévation du niveau des océans à mesure que fondent les calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland. Le réchauffement affectera aussi la direction des courants maritimes et des vents, provoquera des changements climatiques, des inondations et des sécheresses qui mettront en péril la planète tout entière.
Cam
Source : site officiel du cacique Raoni
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